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                            LA NAISSANCE d’ ARCACHON

 

Annexe C : Où habitait le premier Maire d’Arcachon ?

 

La plaque commémorative sise sur le bâtiment de l'ancien studio Léo Neveu, à l’angle de la rue du même nom et du boulevard de la Plage, est pour le moins sujette à caution.

Lorsque le 22 septembre 1935, M. de Ricaudy, président de la Société Historique et Archéologique d'Arcachon, inaugure cette plaque, il affirme, à tort, que la première villa de Lamarque était construite sur l'emplacement de l'actuelle villa Saint-Waast, 350 boulevard de la Plage. N'ayant de disponible que le mur du studio Léoed (Leo Neveu), il installe à cet endroit sa plaque induisant en erreur les nombreux lecteurs de ce texte

 

 

A sa décharge le plan Soureau Valette, repris de celuidressé en 1865 par le géomètre Héteau sous les ordres de l’ingénieur en chef Régnauld, indique nettement, en cet endroit, sous le N° 233 la maison de Lamarque et sous le N °232, en bordure de mer, celle de M. Courcy.

 

Or il ne s’agit que de sa seconde maison.

 

L’erreur vient du fait qu’avant les premiers plans dressés en 1864-65, il n’y a rien puisqu’alors, Arcachon ne possédait pas de cadastre. C’est pourquoi les cartes que j’ai élaborées  pour mon ouvrage de 1994, l’ont été à partir des actes notariés.

 

On y voit nettement la première maison de Lamarque ( voir chapitre IV : Les ventes).

 

Cette erreur s'explique aussi par le fait que les témoins encore vivants n'avaient rencontré le premier Maire d’Arcachon, Alphonse Lamarque de Plaisance, que dans l'actuelle villa Saint-Waast.

Puisque, quand il habitait la première, ce n’était qu’un « estivant » avant de devenir en 1852, Maire de La Teste.

 

Je me suis intéressé à cet immeuble en 1999, quand, vendu à un promoteur, il faillit être démoli. Heureusement il n’en fut rien et la solution choisie, après inscription sur la liste des maisons à protéger, fut de le conserver tout en le vendant par appartements. C’est à cette occasion que j’en fis l’historique qui suit.

 

Lamarque de Plaisance est arrivé à Arcachon en 1842. Petit-fils de Pierre Lamarque de Plaisance (1754-1842), sous-préfet de Marmande sous l'Empire, il descend, par sa grand mère, d'une famille noble du Béarn, les Forcade, mentionnée pour la première fois en 1423.

Né le 22 juin 1813 à Marmande, il perd son père, Joseph, en 1814 et sa mère, Marie Laujacq de Charrié, en 1835. Il a passé son enfance au manoir de Charrié proche de la maison qu'habitait son grand-père à Cocumont. Il habite ensuite à Bordeaux, 6 rue du Tondu, et vit de ses rentes. Le 16 avril 1842, il épouse, à Cadarsac, Marie Ravard, née en 1815.

Comme tous les Bordelais aisés, il fréquente Arcachon et, le 12 décembre 1841, il y achète, en bordure du bassin, «16 ares de pins et pelouse ».

 

Il est ainsi, l'année suivante, le premier « étranger » à faire construire une villa située à gauche du passage qui relie l'actuelle rue Léo Neveu à la mer.

 

Il n'est à Bordeaux que l'hiver et, en 1846, il va habiter Cocumont, sans délaisser Arcachon où il se lie d'amitié avec l'abbé Mouls et avec le célèbre Haussmann qui fréquente cette plage testerine depuis 1839. Il s'y fait remarquer par les fêtes qu'il organise et souvent finance.

 

En juillet 1848, il est élu conseiller municipal de son village puis conseiller général de Lot-et-Garonne (août), enfin maire de Cocumont en 1850. Bonapartiste, ami d'Haussmann, préfet de la Gironde le 27 novembre 1851, c'est en 1852, le 30 juillet qu'il est nommé maire de La Teste en remplacement de Bestaven qui, à Arcachon, habite la villa voisine de la sienne.

 

Dans son discours d'investiture, il célèbre le quartier d'Arcachon :

" Mes intérêts sont les vôtres et c'est pour moi une joie bien vive de penser que j'ai été un des premiers à poser les fondements de la

ville nouvelle que notre commune (La Teste), renferme dans son sein. Son développement progressif (...) apportera à tous une augmentation de jouissance et de bien être ".

Plus loin, il affirme : " Formant les vœux les plus sincères pour que la bonne harmonie existe toujours entre les habitants dans les questions si délicates qui intéressent notre forêt, la municipalité n'aura pour guide que la justice afin que les droits de tous soient constamment respectés".

 

Cette déclaration prend toute sa saveur quand on sait qu'en 1855, Lamarque signa l'acte qui mit fin aux droits d'usage dans la forêt d'Arcachon et devient le 23 mai 1857 le premier maire de la nouvelle commune indépendante.

Il le restera jusqu'en 1865 puis exercera un nouveau mandat du 30 novembre 1874 au 15 septembre 1876.

Propriétaire à Arcachon depuis 1841, il n'a de cesse, comme beaucoup de ses voisins, que d'augmenter la superficie de sa propriété.

En 1849, il achète une parcelle construite de 2 ares 21 centiares située au sud-ouest de la sienne. Cette parcelle achetée par M. Béduchaud en 1844 puis revendue la même année à un poitevin, M.Robert, fut cédée à Lamarque par la veuve de ce dernier.

Enfin, le 28 mai 1849, il acquiert, par échange, les terrains qui lui manquent pour atteindre ce qui deviendra le Boulevard de la Plage. Le  28 septembre 1850 il achète à Louis Alexandre Jéhenne, au prix de 23 francs 91 l'are, un terrain de 13 ares 32 situé dans la parcelle des Places, dont il échange le jour même 10 ares 80 avec celui que détenait le charpentier Duleau à l'angle de l'actuel boulevard et de la rue Léo Neveu.  Il  rejoindra ensuite la future rue François de Sourdis en deux achats successifs : le 25 juillet 1852 à Duprat pour 19 ares 80 supplémentaires qu'il paie 50 francs l'are et le 7 mars 1853 encore au même 16 ares 24 au prix de 100 francs l'are. Enfin, en novembre 1854, il complète sa propriété par un échange avec son voisin Bestaven.

Il est donc désormais propriétaire d'un terrain qui s'étend de la mer à l'actuelle rue François de Sourdis et qui est bordé à l'est par l'actuelle rue Léo Neveu. Sur la partie Nord, entre la mer et le boulevard, il y a 4 maisons : sa villa, construite en 1842 et agrandie en 1856 et 1859, un petit édifice le long du passage menant à la mer, un autre sur la partie sud reconstruit en 1856, enfin celui de la parcelle Béduchaud -Robert reconstruit en 1855.

 

 
          Cette propriété est revendue le 17 mai 1862 à Jean Mauriac, propriétaire, sans  

         profession, pour 85.000 francs dont 15.000 comptant et le solde, portant intérêt à 5%,

         dans les quatre ans. Jean Mauriac sera maire d'Arcachon du 20 avril 1869 au 30

         novembre   1870 puis du 7 mars 1871 au 5 février 1874. A la fin du siècle, il exerce la

         profession de banquier.

         Le descriptif est ainsi rédigée : " un enclos, au bord du bassin composé de 4 maisons

        distinctes et séparées dont une en forme de chalet, écurie, chai, jardin et emplacements".  Il est bordé à l'est par un passage de 3 mètres dans lequel Lamarque se réserve le terrain nécessaire à une cabane de bains (2, 20 m. sur1, 30).

D'après les matrices cadastrales, l'ensemble est revendu par Mauriac en 1865 à Mme de La Tour Maubourg de Fay, épouse du sieur Roussel de Courcy, et lorsqu'en 1875 tout est revendu, il ne s'agit que d'un lot nu, les maisons ont été démolies.

                               

                                                 

Il ne reste donc de la première villa de Lamarque que des gravures celle de Léo Drouyn parue en 1851, et celle, ci-dessous, de Jean Lacou parue en 1856.

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    Toujours d’'après les matrices, un immeuble a été achevé sur la parcelle au sud du boulevard en 1856, soit six ans après l'achat du terrain et un an avant la naissance de la nouvelle commune dont il sera le premier maire et un second en 1861, soit un an avant l'abandon de sa villa de bord de mer. Le premier est imposé en 1859 sur la base d'un revenu de 35 francs, le second en 1864 sur celle d'un revenu de 50 francs. Les deux figurent sur le plan de Régnauld.

 

Nous n'avons pas, pour le moment, d'autres renseignements concernant la période où Lamarque vécut dans cet immeuble sauf les souvenirs, rapportés par Ricaudy, de M. Montigaud qui se rappelle être venu là faire signer des papiers municipaux en 1875, donc durant son second mandat (1874-1876). Ce dont nous sommes certains, c'est qu'il y est décédé le 17 décembre 1880 à 17 heures.

 

Après sa disparition, la propriété passe à sa veuve Marie Ravard, légataire universelle, suite à un testament olographe du 2 avril 1880.

Celle-ci disparaît le 19 juin 1883 alors qu'elle se trouvait à Tarbes et c'est alors leur neveu Adolphe, Sylvestre, Garofalo Lamarque de Plaisance et son épouse Marie Louise Laffont, domiciliés à Tarbes, domaine de Bergeret, qui en héritent, en vertu du testament olographe de sa tante en date du 20 janvier 1880 (ouvert le 16 juillet 1883) qui le fait légataire universel.

 

Le beau-frère par alliance d'Alphonse Lamarque, époux en 1883 de sa belle-sœur Rosalie Ravard, s'appelait Alex Garofalo et vivait à Enghien. Adolphe Sylvestre qui doit être son fils, se fait appeler dans l'acte notarié dont nous allons parler, Garofolo Lamarque de Plaisance mais pour l'Enregistrement il n'est que Garofolo dit Lamarque de Plaisance.

Ce prénom de Garofalo fut est d’origine italienne : ce fut le surnom du peintre italien Benvenuto Tisi (1481-1559) qui travaillait pour le duc de Ferrare et signait ses œuvres religieuses ou mythologiques d'un garofalo, un œillet, qui est aussi le nom de son village natal). Ce fut aussi le nom d'un poète italien (1677-1762).

 

Il s'était marié le 14 janvier 1880 à Escoussan en Haute-Garonne.  Agé de 28 ans, il est, dans l'acte de notoriété du 25 janvier 1881, désigné comme ostréiculteur. En effet, en  1860, Lamarque avait obtenu une concession ostréicole sur la partie ouest du " Trencat de Tès "

 

Ces neveu et nièce revendent l'immeuble le 23 janvier 1884 à Mme Ursule Marguile, veuve Jean Rapin, domiciliée 91 Cours Sainte-Anne le cours Lamarque actuel- dont le mari boulanger à Bordeaux était décédé le 5 février 1877. La vente est consentie au prix de 70.000 francs dont 20.000 comptant et le reste en trois échéances payables les 1° janvier 1885 (10.000), 1887 (10.000) et 1894 (30.000) avec un intérêt de 5%. C'est vraisemblablement pour faire cet achat qu'elle, le 19 décembre 1883, avait fait enregistrer par le tribunal de Grande Instance de Bordeaux, un accord avec sa fille et son fils mineur afin de contracter un emprunt au Crédit Foncier.

Il était gagé sur une partie de ses autres biens immobiliers : deux maisons à Bordeaux et la villa Les Orangers à Arcachon. C'est peut-être aussi pour cela qu'une partie de ses biens passent en 1906 au Crédit Foncier de France avant d'échoir à Yves Conseil.

 

La propriété achetée à Garofalo-Lamarque est ainsi décrite :" Un vaste immeuble situé à Arcachon, boulevard de la plage où il est marqué du numéro 350, rue Marpon et rue François de Sourdis d'une superficie totale d'environ deux mille huit cent mètres carrés (...) consistant en une maison principale portant sur le dit boulevard le N° 350 avec bâtiment composé de cuisine et de sous-sol relié par une galerie au corps principal. Une petite construction en bois ayant façade sur la rue François de Sourdis, un terrain en nature de jardin ou d'emplacement situé autour des constructions représentant la totalité d'un enclos d'une contenance d'environ trois mille mètres carrés à l'exception seulement d'une parcelle d'environ deux cents mètres carrés, à l'angle de la rue Marpon, sur 10 mètres et de la rue François de Sourdis, sur 15 mètres, vendue le même jour à Mme Veuve Laporte, sont comprises dans cette vente deux cabines de bains ".

L'immeuble est en partie occupé par la tante de Garofolo, Antoinette Ravard, veuve Ségalas, sœur de Marie Ravard, veuve Lamarque, qui obtient la jouissance, jusqu'au 30 juin 1885, " de deux pièces situées au midi du petit bâtiment dont il est parlé dans la désignation qui précède et placé sous la cuisine de l'appartement faisant l'objet d'un bail ".

Ce bail concerne le docteur Lalesque qui depuis le 17 mai 1881 loue en meublé une partie de la maison.

 D'après cet acte et l'état des lieux actuels l'aile occupée en partie par " l'immeuble Léo Neveu " comportait donc, au rez-de jardin, un logement de deux pièces et au dessus, au rez-de-chaussée surélevé, la cuisine des Lamarque puis du docteur Lalesque reliée au corps principal par une galerie.

 

D'après ce document, le docteur n'occupait qu'une partie de la maison et Mme Rapin s'engageait à le garder comme locataire, les meubles revenant aux Lamarque à la fin du bail.

L'examen des guides d'Arcachon concernant cette fin de siècle montre qu’il y est encore domicilié en 1888 alors qu'en 1895 il est situé villa Claude Bernard construite sur un terrain mitoyen qui, du temps de Lamarque, appartenait à Mme veuve Bestaven.

Un guide de 1902/1903 y domicilie un M. Brannens ; il s'agit vraisemblablement de Jean, époux de Marie Rapin et donc le gendre de Mme veuve Rapin, la villa portant alors le nom de Cyrano. Les guides de 1926 à 1933 mentionnent au 350 un certain Colomet-Daâge, villa Saint-Waast , puis de 1935 à 1937 M. Fouques Duparc et ensuite le docteur Alquier (1942).

     

                                                                                                                                                                         

 

 

En 1938, la villa s'appelle toujours Saint-Waast. Ce prêtre de Toul, fut désigné par son évêque pour instruire Clovis dans la foi catholique. Il fut ensuite évêque d'Arras et de Cambrai et mourut en l'an 500.

Elle porte le N° 348, mais une partie en a été distraite et vendue, sous le nom de villa Rosen, au photographe Léo Neveu. Ceci explique pourquoi sur le plan de 1932 utilisé par M. Longau, directeur des Travaux d'Arcachon, pour fond de carte à de futurs travaux publics les villas Saint-Waast et Rosen sont nettement séparées ce qui n'était pas la réalité.

 

            Si la façade sur le boulevard n'a guère connu de modifications, celle qui donne sur le jardin a été beaucoup plus remaniée

La galerie, typique des vieilles maisons arcachonnaises, a été fermée tant au rez-de-chaussée qu'au rez-de jardin et, nous l'avons vu, a été amputée par la construction de l'immeuble Neveu ; quant au bâtiment principal, une porte de garage a remplacé les deux fenêtres jumelles qui ouvraient sur le jardin.

 

                                                                                                             

A l'intérieur, le plus intéressant était le rez-de-chaussée surélevé : une fois gravi le perron et franchi la porte d'entrée, on accédait à un couloir terminé par un escalier en bois à rampe en fer forgé. Sur la droite, se trouvait une grande double pièce traversante. Cette double pièce qui occupait la totalité du corps principal de la maison, était composée, au nord, d'un séjour et, au sud, d'une salle de billard.

 

Le plafond de celle-ci dessinait en stuc des formes géométriques avec aux quatre angles des motifs en céramique.

 

 Les deux pièces étaient ornées chacune d'une cheminée monumentale.

              Celle de la salle de billard avait des jambages recouverts par des chambranles qui représentaient des bustes de satyres et une traverse horizontale ornée d'une frise de motifs végétaux avec au centre une composition représentant des naïades au torse dénudé. La hotte était recouverte d'une composition en céramique très colorée dont le sujet est  l' Enlèvement de Perséphone ou Coré, fille de Zeus et de Déméter, qui fut enlevée par Hadès, dieu des enfers. Les Romains lui donnaient le nom de Proserpine.

            Cette composition fut pendant des années recouverte d'un badigeon dont les éclats ont donné l'idée aux derniers occupants de voir ce qu'il y avait dessous. Malheureusement cette composition est striée de lignes de plâtre, comme si elle avait été découpée, puis recollée, c'est ce qui explique la peinture dont elle était recouverte jusqu'à maintenant.

Au-dessus enfin, deux amours encadraient un médaillon central non décoré.

           Celle du séjour était très différente : en stuc, elle aussi, mais teinté de telle sorte qu'on dirait du bois, elle était surmontée d'une grande glace encadrée par deux grands panneaux constitués de carreaux de faïence dessinant des motifs végétaux.

 

Il est très vraisemblable, étant donnés les thèmes mythologiques représentés, que la décoration de ces deux pièces datait du milieu du XIX` siècle donc de la construction.

Malheureusement c'est tout ce qui restait de l'époque.

          A gauche de l'entrée il y avait, au nord, une grande pièce et au sud des cuisines. C'est la partie qui reliait à l'origine le bâtiment central à la rue Marpon (Léo Neveu) mais amputée, on l'a vu, par la construction voisine ; c'est pourquoi, hors de la grande pièce au nord, l'ordonnancement du reste était assez confus et il en était de même au rez-de jardin, ce qui ne permit pas de retrouver l'organisation de cette maison qui, en 1884, abritait pourtant deux locataires, dont un médecin, et la propriétaire.

 

C’est donc une maison chargée d'Histoire, celle où, pendant une vingtaine d'années, entrecoupées de deux mandats municipaux, vécut et mourut le fondateur de la commune d'Arcachon.

 

                                                Robert AUFAN